LA DÉSHUMANISATION PAR LE TRAVAIL

« Retour des déportés au camp après le travail », gravure de Henri Gayot, déporté à l’Oflag XVIIA (Source : Académie de Montpellier)

Dès la mise en place des premiers camps de concentration, en 1933, le travail forcé y est utilisé comme un moyen de punir les opposants politiques arrêtés par les SA, puis les SS. Dans cette optique, certains règlements sont créés, comme celui de Buchenwald. Ces règlements encadrent le travail d’une façon extrêmement dure1.

Article 12. - Celui qui offense un homme de garde ou un SS, celui qui, dans un esprit de révolte, refuse d'obéir ou de travailler ou qui abandonne par révolte la colonne ou le lieu de travail, celui qui siffle pendant une marche ou pendant le travail, ricane ou parle, sera fusillé sur-le-champ comme émeutier, ou sera condamné à mort par étranglement.

Extrait du règlement du camp de Buchenwald

Durant la guerre, les hommes combattent sur le front, ce qui engendre un manque de production en Allemagne. Pour résoudre ce problème, les usines de guerre fonctionnent en s’appuyant sur de la main d'oeuvre concentrationnaire. Le cas le plus célèbre est celui du camp de Dora, qui fabriquait, à la fin de la guerre, les fameuses fusées V1 et V2, les ancêtres des missiles actuels.

Photographie illustrant des prisonniers travaillant sur les fusées V1 et V2 au camp de Dora (source: La coupole)

Photographie illustrant les fusées V1  (source: Lesarmesnouvelles)

Dès son arrivée dans un camp de concentration, un déporté est donc soumis au travail, aux corvées. C’est pourquoi, Fernand Gadéa, contrôleur général interné à Buchenwald en août 1944, écrit : « Les malheureux qui étaient affectés devaient maintenir, sous une avalanche de coups de triques et d'injures, une cadence de tra­vail des plus accélérées »2. Nous pouvons également relever l’expérience de Dow Paisikovic, tchécoslovaque et survivant de la Shoah, qui témoigne : « Était entassé un amas de cadavres nus : ces cadavres étaient tout gonflés et on nous commanda de les porter jusque dans une fosse de six mètres de largeur et de trente mètres de longueur environ, où se trouvaient déjà des cadavres en train de brûler.  Nous fîmes tous nos efforts pour amener ces cadavres au lieu indiqué.  Mais les SS nous trouvaient trop lents. On nous battit terriblement »3. Dow Paisikovic exprime dans cet extrait le travail inhumain et cruel que les déportés devaient endurer, malgré leur santé précaire aggravée par la violence des gardes qui les encadraient.

Photographie, auteur inconnu, prise en 1944, illustrant des détenus construisant l'usine Klinker, à proximité du camp de concentration de Sachsenhausen (source: ECPAD)

René Tardi témoigne, lui aussi, des conditions difficiles imposées aux prisonniers de guerre qui, comme les déportés dans les camps de concentration, étaient soumis à des travaux forcés réalisés parfois loin des Stalags (abréviation du mot Allemand Stammlager signifiant en Français « camp ordinaire de prisonniers de guerre ») : « Des gars partaient, ne remettant les pieds au Stalag qu’à l’article de la mort pour y crever comme des bêtes de sommes épuisées ou malades, devenues inutiles à l’édification du Reich éternel »4 (plan 15). En effet, le travail forcé, exercé par les hommes comme par les femmes, était réalisé dans des conditions inhumaines. Ainsi, les principaux travaux tels que le terrassement (déplacement et retournement de la terre) ou le travail dans les usines d’armement étaient effectués pendant de très nombreuses heures d’affilée, sans pauses. Les prisonniers, sous-alimentés, devaient endurer la violence de leurs gardes pour peu que leur travail ne soit pas effectué assez rapidement5. Ils étaient réduits au rang d’esclaves, à travailler quel que soit le climat, quel que soit leur santé. Une partie des prisonniers en mourrait.

Photographie prise en 1944 : déportés construisant le canal Dove-Elbe (source: Mémoire juive et éducation)

Tel était l’objectif des nazis. Des millions de gens, Juifs, prisonniers politiques, prisonniers de guerre et autres victimes du nazisme furent soumis aux travaux forcés dans des conditions atroces pour y perdre leur humanité, et même leur vie.  Jean Sergent, un rescapé français nous permet de conclure à ce sujet : « Il ne faut pas oublier qu'il existait deux sortes de camps, les camps d'extermination, où l'on envoyait les juifs pour les tuer très vite et les camps de concentration. J'étais dans un camp de concentration, un camp de la mort lente : l'espérance de vie y était de 7 mois. J'ai tenu 2 ans »6.

POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE SUJET

La seconde guerre mondiale et son devoir de mémoire”, site détaillant les différentes déshumanisations vécues.

 

Yves Durand, Prisonniers de guerre dans les Stalags (1939-1945), Hachette Littératures, 1987

 

Jacques Tardi, Moi, René Tardi, prisonnier au Stalag II B, 2012, Edition Casterman

 

Maylis, Julien, Marie, “Le travail dans les camps nazis”, 2016, site détaillant la punition du travail dans les camps.

 

1Maylis Julien et Marie, Le travail dans les camps nazis, disponible sur d-d.natanson.pagesperso-orange.fr

 

2Auteur inconnu, Nazisme : le camp de concentration de Buchenwald, disponible sur www.encyclopedie.bseditions.fr

 

3Ibid

 

4D’après la bande dessinée p.87 : Jacques Tardi, Moi, René Tardi, prisonnier au Stalag II B, 2012, Edition Casterman

 

5Yves Durand, Prisonniers de guerre dans les Stalags (1939-1945), Hachette Littératures, 1987

 

6Élèves de 1erL, le travail dans les camps de concentration, 2007, disponible sur resistancerenan2007.over-blog.com