CONCLUSION - CE QUE NOUS AVONS TROUVÉ DERRIÈRE LES MATRICULES

Les déportés perdent, dans le système concentrationnaire nazi, leur statut de citoyen, mais il deviennent également moins que des esclaves. Leur avenir leur échappe, leurs droits leurs sont ôtés. Ils sont des êtres à la merci de toutes les fantaisies de leurs bourreaux nazis. Et pire encore.

La valeur marchande est le seul facteur qui différencie l’interné de l’esclave. L’interné se rapproche même parfois du statut de l’animal, voire lui est inférieur, car on ne se préoccupe plus de ses besoins vitaux de manière durable. Aucune valeur sentimentale ne lui est attachée.

Durant l’antiquité, on prenait le plus souvent soin des esclaves, car ils étaient des biens à préserver. Mais le déporté du système concentrationnaire nazi est moins que cela, surtout dans les camps d'extermination : il doit être, au final, éliminé, par toutes sortes de moyens. Il disparaît soit par les gaz, soit par les maladies, soit par des expériences médicales ayant souvent pour finalité de tuer le sujet - y compris des femmes et des enfants - soit par le travail forcé.

Le système concentrationnaire nazi a constitué le stade le plus extrême de la déshumanisation, dépassant très largement le concevable. L'imaginaire étant dépassé, cela empêche toute fiction de reproduire cette violence à égale intensité. Nous avons conscience que nos films n’ont fait qu’effleurer la surface de ce qui s’est joué dans les camps Allemands, au cours des années 1930-1940.

Face à ce terrible constat, la solution est soit de se montrer indifférent, soit d'entretenir la mémoire de ces victimes qu’un système a tenté d’effacer. Les évoquer, c’est s’inscrire, à leur suite, dans une forme de rébellion portée par l’écriture et le dialogue.

Bien que les moyens de communication et de création que nous avons eu à notre disposition ne soient pas assez puissants pour retranscrire toute l’horreur que nos recherches ont mis en lumière, il est impossible, à nos jeunes yeux, de rester indifférents face à la déshumanisation voulue par les nazis.

Car derrière les matricules existaient des hommes, des femmes, des enfants, avec leurs amitiés, leurs familles, leurs espoirs, leurs rêves, leurs individualités. Par nos courts-métrages, par les biographies associées, nous avons voulu rendre à ces êtres leur humanité, que la machine nazie avait tentée de faire entièrement disparaître.

Ce travail de mémoire est de notre responsabilité. Il appartient à la jeunesse de s’en saisir. Il est essentiel, pour rendre à ces millions de victimes l’hommage que toutes méritent. Il nous transmet, aussi, des valeurs et des repères essentiels.

Resteront gravées en nos mémoires les paroles que Jeanine Morisse-Messerli prononça, en réponse à une question que nous lui avons posée lors de notre rencontre avec elle, le 11 mars 2017 (et dont vous pouvez découvrir l’intégralité du contenu dans la rubrique dédiée du site) :

« Mettez la paix en vous elle se répandra près des autres. »

Qu’avons-nous trouvé, tous les quatre, derrière les matricules ? Plus d’humanité, peut-être, en nous mêmes et dans ceux que nous côtoyons. Comme un pied-de-nez à l’invraisemblable projet nazi.